rigueur des eaux

Publié le par trainefeuille

Rigueur des eaux, diktat

Je tombais sur cette femme ça m’a touché, cette vieille dame au comptoir du café à la devanture toute de vieux bois, café désert à la sortie de Prissac. Comment est ce arrivé, en tout cas elle me dit : allez voir à Luzeret,  à la sortie du bourg, du côté du lieu dit « le LOUDIEU »,il y a une source, on y guérissait les maladies des yeux, dans cette fontaine des anciens. Allez y. elle m’a donné la clé, le passe, a senti quelque chose qui me tenait, alors j’ai foncé et comme St Thomas j’ai vu. Oubli de tout, en voyant cette jeune mariée, jolie et ronde dans son écrin, dans son petit monde de pierraille et d’humidité, à sa mesure, décoré de quelques pierres rougies, de petites fougères naines, de minuscules cailloux blancs au fond de l’eau limpide. Du plus bel effet, avec quelques petites grenouilles gardiennes, du sable fin, alors j’y ai plongé et j’ai chanté en secret. J’ai changé en une seconde. Comme exaucé, comme un lavage spécial, suite à un intime dialogue, mythe de la jouvence, dans cet éternel ressourcé, à la fois calme et sauvage, dans cette issue si fraiche et si sombre, par cet éclatant été. Labyrinthe vertigineux.

Pourtant j’y suis il y a peu, repassé, c’était tout autre chose, des maisons habitées autour, une haute végétation d’orties, barrant le passage, un entourage de murs de parpaings, je ne m’en rappelle plus…comment se fait il que ce soit devenu à ce point abandonné des hommes ?

Par acquis de conscience je regarde une carte, et je m’aperçois que  le vrai lieu dit le Loudieu  n’est pas là, mais bien à l’écart du village. Où étais je ? Bref je fonce et je vois un taillis et quelques grands arbres, certains à terre, une pancarte « restes de l’ancienne abbaye » ,un chemin qui descend, une vieille croix, et près du ruisseau le lieu ancien , sacré, un enclos ou ce qu’il en reste, un muret effondré  avec une mare d’un diamant clair, entourée de galets, avec un peu de végétation aquatique, avec un petit réceptacle circulaire, en pierre. Tout autour c’est l’abandon  aux forces naturelles. Sur la passerelle ,passe un sentier de randonnée.

Lieu de quoi ? lamentation ? solitude ? non. De cérémonie et d’espoir calme, il a du être assidûment fréquenté par des générations d’aïeux… lieu porté par des gens, et qui portait les gens. Des gens de simple et profonde croyance.

Pour la vie des gens modernes, où tout retombe comme des soufflés, ce n’est plus que néant. On passe allègrement au dessus de choses qui pourraient nous chuchoter le bout des rêves les plus anciens.

Refréquenter  des sources , lavoirs  et fontaines sacrées ,qui conservent au-delà du temps une identité palpable, nimbée du respect des hommes, un repère sur les ancêtres.

Je le sais maintenant j’ai toujours rêvé de ces lieux ,j’ai reconstruit des eaux calmes et mystérieuses, à partir de mes visites des stations d’épuration rurales, ces « trous « d’eau et d’humus où l’eau fait sa toilette, se reconquiert, et bruisse. Lieu druidique car je vois ces vieux hommes à la chasuble et à la barbe blanche , et ces sorcières venir aux ablutions, la nuit,  incantant,  offrant des présents, faisant des louanges, avec la vive volonté des guérir les humains de maux terribles. Par la seule force de leur foi, comptant sur la conjonction des forces humaines et naturelles…

Lieux minuscules, et garnis de fines plantes vertes, c’est d’une si grande fraicheur, en ces temps estivaux  et lourds. Lieux humides, parfumés, humbles.  Refermés et pieux, propices au recueillement mais aussi avec une envie de vie. Lieu des preux.

Antiques ruines, évocations et visions fortes, silencieuses et puissantes, dans cet endroit invisible des routes de passage, mais tout proche.

Comme un lieu souterrain, miroir ouvert sur, arrimé à ces entités d’un autre monde, on ne peut arriver à le trouver qu’au-delà d’un dédale , dans cette jungle, et dans sa tête.

Comme aux stations d’épuration de Prissac, Lignac, Dampierre, st Août, …que d’endroits où règne quelque chose, d’organique, terre et minéral, entouré d’une sorte de bois du Huelgoat, égaré  loin de la Basse Bretagne.

Tout autant que le centre bourg de Pleumartin, son lavoir rond, aux vieilles dalles blanches élimées, où l’eau chante dans ces pierres et dans un canal bordé de mousse, pour aller ensuite sous terre.

Même en Champagne berrichonne, voyez le petit lavoir aménagé de Ménétréols sous Vatan, déconnecté totalement de l’alentour, de la vaste plaine vertigineusement jaune et plate, à perte de vue écrasée de soleil, et là une petit déclivité, entourée de quelques peupliers, et c’est là ,depuis toujours. Loin de l’activité des grosses machines. Le toit semble plonger dans le bac.  C’est délaissé, il y a des dépôts de boue, des planches vermoulues ; mais quelques algues offrant une respiration  fraiche.

 

 

 

Publié dans berry

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article